Cannabis: un chemin d’esclavage?
Un nuage assez original semble apparaître sur les radars de la météo des drogues. Venant du nouveau continent, de l’Uruguay, du Colorado, de la Californie, bientôt du Canada et d’ailleurs, le cannabis gagne jour après jour son statut de drogue acceptable, de drogue festive, de drogue douce et lentement, mais sûrement, il grignote les codes pénaux de notre vieille Europe. Doit-on s’en inquiéter ou s’en réjouir? Peutêtre ne doit-on pas poser la question en ces termes. La vraie interrogation est de se demander ce que l’on sait vraiment de cette plante aujourd’hui en 2018.
Depuis la découverte dans les années 1960 de la substance active du Cannabis sativa, le delta 9-tétrahydrocannabinol, par Raphael Mechoulan, la recherche a permis, 30 ans plus tard, de comprendre le mode d’action et le fonctionnement des cannabinoïdes (1) sur le cerveau. En effet, la mise en évidence, dans le système nerveux, de récepteurs aux cannabinoïdes (CB1 et CB2) et de leurs ligands endogènes a permis de comprendre le rôle et la fonction du système endocannabinoïde dans l’organisme et sa relation avec les phytocannabinoïdes. La recherche montre également qu’une relation existe entre la consommation de cannabis et une nouvelle pathologie du cerveau que l’on appelle addiction. Mais le cannabis est une plante riche en surprises. Poison pour certains, il peut être outil thérapeutique pour d’autres. Bien qu’encore discutés, certains composants du cannabis deviennent de plus en plus un sujet d’étude pour le développement de nouveaux traitements.
Cet article propose une réflexion sur les phytocannabinoïdes, les endocannabinoïdes, l’addiction et les intérêts thérapeutiques du système cannabinoïde.
Introduction
Il est 7 h 00 ce matin-là lorsqu’une patrouille de police décide de contrôler un véhicule qui se déplace d’une manière que l’on pourrait qualifier d’erratique. Le chauffeur, un jeune homme de 24 ans, présente des symptômes compatibles avec une consommation d’un psychotrope. Lors de la discussion, ce dernier avoue, sans beaucoup de difficultés, fumer de temps en temps des joints de cannabis. La procédure, selon la loi, permet alors d’emmener le chauffeur à l’hôpital pour un examen médical avec prise de sang et d’urine afin de déterminer sa capacité à conduire. Les résultats sanguins indiquent une concentration de 18 µg/l de THC (substance active du cannabis), de 13 µg/l de 11-OH-THC (métabolite actif du THC) et enfin de 170 µg/l de THC-COOH (métabolite inactif du THC).
La valeur de THC est largement au-dessus de la limite définie par l’OFROU (2) (1,5 µg/l) et par conséquent permet de conclure à une incapacité à conduire. La mesure du THC-COOH permet de donner une information plus médicale et surtout de conforter la nécessité d’un examen d’aptitude. En effet, dans un article publié par Fabritius et al., les auteurs indiquent qu’une concentration sanguine de THCCOOH inférieure à 3 µg/l suggère une consommation occasionnelle de cannabis (≤ 1 joint par semaine), alors qu’une concentration supérieure à 40 µg/l parle en faveur d’une consommation régulière de cannabis (≥ 10 joints par semaine).
Dans ce cas, une valeur mesurée à 170 µg/l de THC-COOH indique que ce jeune, qui annonçait une consommation occasionnelle, fume régulièrement. Ces résultats ne sont pas inhabituels. En effet, entre 2013 et 2105 en Valais, parmi les 770 conducteurs suspectés par la police de conduire sous influence de drogues et/ou de médicaments, 391 (51%) avaient consommé du cannabis avant de conduire. Parmi eux, 327 (84%) présentaient une concentration de THC égale ou supérieure à 1,5 μg/L, et 203 (52%) présentaient une concentration de THCCOOH dans le sang égale ou supérieure à 40 μg/L.
L'addiction: le côté obscur de l'apprentissage
Avant de faire mieux connaissance avec le cannabis, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement du cerveau et la mise en évidence d’une nouvelle maladie du cerveau que l’on appelle addiction. Un symptôme intéressant de celle-ci, selon les dires des malades, peut se résumer ainsi: «Je n’ai pas envie de consommer, mais je ne peux pas m’empêcher de le faire.»
Vivre, c’est cultiver son appétit d’apprendre. Etre en vie, c’est travailler nos envies d’avancer, de comprendre, de savoir, de partager. Afin de réaliser ces missions, notre cerveau nous stimule, nous rappelle avec plaisir qu’il nous faut toujours persévérer, croire que tout n’est que solution. Cette pathologie perturbe nos envies en nous conduisant à perdre leur maîtrise, en nous donnant des envies que l’on n’a pas.
Le cerveau est le fruit d’une succession d’évolutions et peut se lire en trois parties. Il y a d’abord le cerveau reptilien, notre cerveau primitif, qui gère notre vie végétative (respirer, digérer, activer le cœur, rester à température constante, etc.). Vient ensuite le cerveau limbique qui donne de la couleur à notre vie, grâce aux émotions, aux plaisirs, aux envies, à la mémoire. Puis notre cerveau cortical, le néocortex, nous permet de travailler le pourquoi et le comment de nos observations. Il nous permet également de communiquer avec nous-mêmes et avec les autres. Ensemble, ces trois parties conjuguent leurs talents pour nous donner les moyens d’avancer sur notre chemin.
Sénèque disait: «Errare humanum est, perseverare diabolicum (3).» Ainsi, pour éviter de recommencer nos erreurs, la nature nous a donné la mémoire. De plus, le cerveau présente une qualité extraordinaire, sa curiosité. Afin de toujours progresser, il est toujours à l’affût de ce qu’il ne connaît pas. Il est ainsi programmé pour apprendre et se souvenir. Et pour stimuler cette curiosité, le cerveau lui a associé le plaisir. Ainsi, lorsqu’un comportement est «bon» pour nous et qu’il faut nous en souvenir, alors le cerveau sécrète un neurotransmetteur qui confortera le cerveau à construire des connections neuronales qui vont asseoir notre mémoire. Ce neurotransmetteur est la dopamine. La sécrétion de dopamine favorise donc une sensation de plaisir qui permet à notre mémoire de nous donner envie de répéter ce comportement. On parle du système de la récompense.
On sait aujourd’hui que toutes les drogues, comme l’alcool, le cannabis, la cocaïne et bien d’autres, agissent sur ce système de la récompense en stimulant de manière largement plus importante la sécrétion de dopamine. Or, comme le cerveau est programmé pour associer au plaisir un souvenir, il va être trompé par ce plaisir artificiel et va garder en mémoire l’information qu’il est nécessaire de continuer ce comportement, c’est-à-dire consommer des drogues. Ainsi, les drogues font régner le plaisir, d’ordinaire constructeur de notre mémoire et de nos envies, en maître de celles-ci, nous transformant en esclaves dociles.
Ce trop-plein de plaisir caractérise cette maladie qu’est l’addiction et conduit le cerveau à construire un mécanisme de défense: la tolérance. La tolérance implique que le cerveau va diminuer l’effet que la drogue produit sur lui pour se protéger. La conséquence s’imagine rapidement: il faut plus de substance pour le même effet. Le cerveau est donc trompé. Le souvenir construit par la drogue lui rappelle la nécessité de consommer, mais comme l’effet diminue, il en faut toujours plus pour toujours moins d’effet.
L’addiction est une maladie du comportement qui perturbe notre mémoire, notre envie d’apprendre qui est essentielle à notre vie, et ce surtout pendant une période de notre vie, entre 15 et 25 ans, soit pendant l’adolescence. En effet, la plasticité du cerveau, c’est-à-dire sa capacité d’apprendre et de construire des connections entre les neurones, est particulièrement importante à cette période-là. La dopamine est un acteur important de la plasticité synaptique et, par conséquent, la probabilité de devenir addicte est significative pendant l’adolescence. C’est pourquoi ce mécanisme d’apprentissage est court-circuité par les drogues, qui agissent comme un virus informatique sur un système bien rôdé, le système de la récompense.
Ainsi, la vie s’anime de manière mystérieuse par des envies, des passions qui nous guident et qui expriment des talents différents chez chacun. L’envie de faire quelque chose (un travail, un tableau, une rencontre, etc.) stimule en nous un plaisir (figure 1). Ce plaisir, par la sécrétion de dopamine qu’il génère, favorise la vie et la croissance de nos souvenirs qui vont se ranger dans cette bibliothèque fabuleuse qu’est notre mémoire. Ainsi, le souvenir d’une envie que l’on a eu stimule à nouveau cette envie et ainsi de suite. Nous sommes ainsi le générateur de nos envies.
A l’opposé, les drogues vont stimuler de manière extrêmement importante la sécrétion de dopamine. Ceci aboutit à la construction de souvenirs artificiels qui nous trompent et nous poussent à la consommation de substance. Cette envie ne sera pas forcément née de notre volonté, mais d’un plaisir artificiel, qui deviendra petit à petit un souvenir que nous ne pourrons pas revivre.
Le cannabis: la plante aux 100 molécules
Le Cannabis sativa L. est une plante herbacée originaire d’Asie centrale de l’ordre des urticales et de la famille des cannabinacées dans laquelle on retrouve également le houblon. Il est consommé pour les vertus psychoactives attribuées aux plus célèbres des cannabinoïdes, le Δ9tétrahydrocannabinol, ou Δ9-THC (figure 3) qui a été découvert dans les années 1960. Or, il apparaît que le cannabis n’est pas la plante d’une molécule, mais de plus d’une centaine de substances différentes. En effet, on y trouve des phytocannabinoïdes, des terpènes et des composés phénoliques.
Les phytocannabinoïdes représentent un groupe de C21 ou C22 de composés terpénophénoliques principalement produits par le cannabis. Dans la nature, Il semble pourtant que d’autres plantes, du genre Radula ou Helichrysum par exemple, pourraient également produire ces phytocannabinoïdes, mais des études doivent encore le démontrer.
Plus de 90 différents cannabinoïdes ont été rapportés dans la littérature et sont organisés en dix sous-classes. Les cannabinoïdes les plus importants sont le Δ9-tétrahydrocannabinol (Δ9THC), le Δ8-tétrahydrocannabinol (Δ8-THC), le cannabinol (CBN, un métabolite du THC), le cannabidiol (CBD), le cannabigérol (CBG), le cannabichromène (CBC), le Δ9-tétrahydrocannabivarine (Δ9-THCV), le cannabivarine (CBV) et le cannabidivarine (CBDV).
Le THC et le CBD
Les deux cannabinoïdes les plus connus sont le Δ9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabi diol (CBD). Mais il faut garder à l’idée que le cannabis est la plante aux 100 phytocannabinoïdes. Ceci suggère qu’une personne fumant du cannabis illégal, riche en THC, consommera également plus de 100 autres phytocannabinoïdes, non quantifiés, dont le cannabidiol. Quant à la personne fumant un joint légal, riche en CBD et contenant moins de 1% de THC, la présence des 100 autres phytocannabinoïdes ne peut être ignorée.
Le Δ9-THC, consommé par fumée, passe rapidement dans la circulation générale. Ainsi, dans les minutes qui suivent le début de la consommation par inhalation, le THC est déjà détectable dans le sang. Les doses consommées sont de l’ordre de 5 à 20 mg, et le pic plasmatique est obtenu en cinq à dix minutes suivant le début de la consommation par inhalation, alors qu’il est obtenu entre une et trois heures après une consommation orale. Après la prise d’un joint, le pic plasmatique de THC se situe entre 50 et 200 μg/L selon la dose consommée. Une fois le pic plasmatique atteint, le THC est rapidement et très largement distribuer dans tous le corps et particulièrement les tissus gras, dont le représentant le plus important est le cerveau.
La pharmacocinétique des cannabinoïdes est très complexe. Le métabolisme du THC mène, dans une première étape, à l’apparition de métabolites actifs, le 11-hydroxy-THC (11-OH-THC) et le 8-b-hydroxy-THC (8-b-OH-THC), puis à la formation d’un métabolite inactif, le 11-carboxy-THC (THC-COOH). Le THC-COOH est le principal métabolite présent dans l’urine. La demi-vie d’élimination du THC varie entre 20 à 57 heures chez les consommateurs occasionnels et entre 3 et 13 jours chez les consommateurs réguliers.
La durée de la détection du THC et de ses métabolites dépend donc du type de consommateur. Dans une étude, le dosage du THC, du 11-OH-THC et du THC-COOH a été réalisé chez 18 consommateurs réguliers de cannabis après une période d’abstinence de sept jours. Il a été observé qu’au 7e jour, 50% des participants présentaient une concentration de THC supérieure à 1 µg/L (1,2–5,5 µg/L). Le THCCOOH était encore détecté avec une concentration qui se situait entre 2,8–45,6 µg/L. Cette concentration de THC après sept jours d’abstinence suggère un processus altérant les mécanismes neurocognitifs chez les consommateurs réguliers. De plus, la présence de THC dans le plasma après sept jours d’abstinence suggère que sa détection n’indique pas forcément une consommation récente chez des consommateurs réguliers. Avec l’arrivée du cannabis légal, contenant moins de 1% de Δ9-THC et des quantités variables de CBD, le métabolisme et les effets de ce dernier sont de plus en plus étudiés.
La structure chimique du CBD a été déterminée en 1963. Les études récentes montrent que le CBD présente des qualités très intéressantes en usage anxiolytique, anti-inflammatoire, antiémétique, antipsychotique, neuroprotecteur, etc. La pharmacocinétique du CBD dépend de son mode d’administration, et la demi-vie d’élimination dépend du mode de consommation. Ingéré sous forme orale (40 mg de CBD avec 20 mg de THC dans des cookies), la concentration des deux molécules s’élevait à moins de 5 µg/l environ 1,5 et 3 heures après ingestion. Une étude impliquant l’usage de Sativex® (4) (20 mg) en goutte montre une concentration plasmatique, chez six volontaires sains, de 2 µg/l, 130 minutes postdose. Appliqué par aérosol, THC (10 mg) + CBD (10 mg), le pic plasmatique s’élève à 9,5 µg/l 36 minutes après administration, et la demi-vie d’élimination est de 66 minutes.
Des études récentes suggèrent que le CBD présente des qualités intéressantes en usages thérapeutiques. Le CBD semble avoir des effets pour le traitement de l’anxiété, de la dépression, de l’inflammation, des nausées et vomissements, des psychoses. Il présenterait des propriétés neuroprotectrices. Il pourrait également être utilisé pour les patients schizophrènes. Quant aux personnes souffrantes d’addiction, le CBD, qui ne stimulerait pas la sécrétion de dopamine, diminue le besoin de consommer de l’héroïne.
Dans le contexte des maladies inflammatoires, le CBD génère beaucoup d’espoir pour le traitement de la maladie d’Alzheimer. En effet, des études sur des rats et des souris montre une diminution de la neuro-inflammation par la protéine β-amyloïde grâce à la réduction de l’activité de la sécrétion de l’interleukine 6 (IL-6). D’autres études donnent au CBD des qualités anticancer. Quant au traitement des épilepsies, le CBD se présente de plus en plus comme un traitement à considérer. Concernant les autres phytocannabinoïdes, des études sont en cours afin de comprendre leurs modes d’action sur le cerveau.
Le système endocannabinoïde
La découverte en 1990 du système endocannabinoïde a permis de voir les phytocannabinoïdes sous un autre angle. En effet, ce n’est pas tous les jours que l’on découvre un système de communication dans le corps humain dont les fonctions sont considérées comme fondamentales dans la physiologie humaine. Ce système est construit avec différents types de récepteurs appelés Cannabinoid Receptor 1 (CB1) et Cannabinoid Receptor 2 (CB2) et bien d’autres encore qui sont modulés par des cannabinoïdes endogènes ou endocannabinoïdes comme l’anandamide (qui signifie béatitude en sanscrit) et le 2-arachidonoylgycérol (2-AG).
Les récepteurs CB1, très présents dans le système nerveux central, modulent l’activité d’autres neurotransmetteurs, comme le GABA, le glutamate, l’acétylcholine, la noradrénaline, la dopamine, etc. Ce type de récepteur apparaît très rapidement lors de l’embryogenèse et son nombre augmente pendant l’adolescence. Il se trouve sur la partie présynaptique des neurones et agit comme régulateur négatif. Les récepteurs CB2 se trouvent plutôt dans le système immunitaire, qu’ils régulent, mais se trouvent également dans le système nerveux central. Quant aux activateurs endogènes de ces récepteurs, ils présentent une particularité assez originale en comparaison aux autres neurotransmetteurs. En effet, ils ne sont pas stockés dans des vésicules, au contraire, ils sont synthétisés sur demande uniquement.
Le mode d’action de ces endocannabinoïdes est assez complexe et n’est pas encore totalement compris. En effet, certains endocannabinoïdes ne stimulent pas complètement ni les récepteurs CB1, ni les récepteurs CB2, alors que d’autres stimulent ces deux types de récepteurs. On découvre d’ailleurs de nombreux autres récepteurs qui peuvent être stimulés par les endocannabinoïdes, comme par exemple certains récepteurs à la sérotonine et plus récemment les récepteurs du système endorphiniques (5). Les études de ce système endocannabinoïde ont permis d’expliquer l’action différente du CBD sur le cerveau par rapport au THC. En effet, le CBD interagit avec les récepteurs CB1 et CB2 à faible dose comme bloqueur, et comme activateur pour d’autres récepteurs. De plus, le CBD présente également un effet modulateur du récepteur de la sérotonine (5-HT1A).
La cible des plus de 100 phytocannabinoïdes est le système endocannabinoïde qui régule entre autres: la construction du cerveau dès la fécondation de l’embryon (neurogenèse), la communication entre les neurones (activité synaptique), l’activité de la dopamine, la construction du cerveau particulièrement pendant l’adolescence, l’oubli, la filtration de l’information, l’anxiété, l’humeur et la gestion des émotions, la mémoire, l’apprentissage, la température corporelle, l’appétit, le poids, la dépression, la fonction cardia que (fréquence, pression artérielle), la motricité, la sécrétion de la prolactine et d’autres hormones fondamentales, l’implantation de l’embryon dans l’utérus, les mouvements des spermatozoïdes qui portent d’ailleurs des récepteurs à cannabis.
Il a été de plus observé que la construction et les rechutes de l’addiction envers différentes drogues (nicotine, opiacés, alcool, cocaïne, etc.) sont probablement influencées par l’activité de ce système endocannabinoïde. Une autre découverte récente indique des réactions croisées entre le système endocannabinoïde et le système endorphine. En effet, il a été observé que de nombreuses propriétés pharmacologiques sont communes pour les deux systèmes et présentent des actions communes, comme par exemple la régulation de la douleur, de la température, du sommeil et bien d’autres. Ces deux types de récepteur appartiennent d’ailleurs à la même sous-famille de récepteurs appelés rhodopsines.
Cette réaction croisée entre ces deux systèmes s’observe dans le cas où le THC agit sur le récepteur CB1. Cela induit une augmentation de l’expression des gènes de la proenképhaline, donc du système des endorphines.
Conclusion
En guise de conclusion, terminons et discutons un intéressant «Case Report» publié récemment qui présente un cas surprenant d’overdose au cannabis. Il s’agit d’un homme de 40 ans amené aux urgences par un ami, car il a perdu connaissance. A l’arrivée aux urgences, il apparaît somnolent et transpire fortement (diaphorétique). Sa pression est normale, les battements de son cœur et son rythme respiratoire sont un peu ralentis, de plus, ses pupilles sont miotiques. Le patient reprend conscience et n’a pas, selon ses dires, consommé ni de drogues ni d’alcool. Seule une consommation de cannabis est rapportée par l’ami. Les symptômes présentés suggèrent une overdose d’opioïdes. Comme son rythme car diaque et respiratoire continue de diminuer, une injection de naloxone (antidote des overdoses aux opioïdes) est prescrite. Après plusieurs injections de cet antidote, le patient est stabilisé. Une ana lyse par LCMSMS dans le sang montre la présence de THCCOOH (métabolite inactif du THC) avec une concentration de 226 µg/L.
On observe dans ce cas des résultats qui suggèrent que le patient est un consommateur régulier de cannabis à haute teneur en THC. Or on sait maintenant que le THC module l’activité du système endocannabinoïde et du système endorphinique et de presque tous les systèmes qui régulent l’activité du corps et du cerveau. Par conséquent, fumer du cannabis est-ce une bonne idée? Est-ce réellement juste festif?
L’essence même de notre vie est de permettre une communication entre nos plus de 70 000 milliards de cellules dans une certaine harmonie. Le THC serait comme un bruit assourdissant, nous rendrait sourd à nous-mêmes et perturberait une communication idéale à l’intérieur de notre corps. D’un autre côté, le cannabis, par certains de ces phytocannabinoïdes, présente des vertus thérapeutiques de plus en plus intéressantes. Il serait dommage de gaspiller ou de jeter un tel potentiel.
De nombreuses études doivent encore être faites pour trouver la bonne dose, la bonne association pour la bonne maladie. En effet, le sys-tème endocannabinoïde pourrait également être une cible et un outil pour le traitement de nombreuses pathologies. L’usage de cette plante, aux plus de 100 molécules chimiques, reste encore source de nombreuses questions. Elle n’est ni la panacée, ni le pire des poisons, elle est une plante qu’il nous faut encore découvrir pour mieux l’apprivoiser.
- Les cannabinoïdes sont un groupe de substances chimiques qui activent les récepteurs cannabinoïdes présents dans le corps humain et chez les mammifères. Il existe trois types de cannabinoïdes:
- les cannabinoïdes végétaux (phytocannabinoïdes) présents dans les plantes de cannabis;
- les cannabinoïdes endogènes (endocannabinoïdes) sécrétés par les organismes animaux et humains;
- les cannabinoïdes synthétiques élaborés en laboratoire.
- OFROU: Office fédérale des routes
- L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique.
- Sativex® est un mélange de cannabis contenant 61 à 71% de THC et 61 à 71% de CBD. Il est utilisé pour améliorer les symptômes de la spasticité modérée à sévère due à une sclérose en plaques (SEP).
- Le système endorphinique est composé de récepteurs opiacés qui sont stimulés par les endorphines. Il existe trois sortes de récepteurs opiacés: mu (μ), delta (Δ) et kappa (Κ) très largement distribués dans le cerveau. Ces récepteurs modulent plusieurs fonctions dont la réponse à la douleur, au stress et le contrôle des émotions.
Références
* Gaoni Y, Mechoulam R. Isolation, structure, and partial synthesis of an active constituent of hashish. J Am Chem Soc. 1964;86:1646–7.
* THCCOOH concentrations in whole blood: Are they useful in discriminating occasional from heavy smokers? Marie Fabritius et al. Drug Testing and Analysis 6 (1–2): 155–163, 201
* NIDA, http://www.drugabuse.gov/
* PEDIATRIC RESEARCH, vol. 63, n °1, 2008
* Christelle M. Andre, Jean-François Hausman and Gea Guerriero. (2016) Cannabis Sativa: The plant of the thousand and one molecules. Front. Plant Sci. 7:19.
* Istvan Ujvary and Lumir Hanus. human metabolites of Cannabidiol: a review on their formation, biological activity and relevance in therapy. Cannabis and Cannabinoid Research, vol. 1.1, 2016.
* Kerstin iffland and Franjo Grotenhermen. An update on safety and side effets of cannabidiol: A review of clinical data and relevant animal studies. Cannabis and Cannabinoid Researcha, vol. 2.1, 2017.
* Liana Fattore et al., Endocannabinoid system and opioid addiction: Behavioural Aspects. Pharmacology Biochemistry and Behavior, vol. 81, issue 2, june 2005, pages 343–359.
* John R. Richards, Verena Schandera and Joshua W. Elder. Treatment of acute cannabinoid overdose with naloxone infusion. Toxicology Communications 2017, vol. 1, n° 1, 29–33.