Addiction: le côté obscur de la force.
Dans le journal “PEDIATRIC RESEARCH”[1], est publié un très intéressant article sur l’addiction en relation avec une période de notre vie : l’adolescence.
Les enfants possèdent une très grande facilité à apprendre et notre société encourage cette qualité.
Apprendre est une bonne chose et il est difficile d’imaginer un impact négatif à ce chemin de connaissance. Or, une théorie récente sur l’addiction suggère que les substances addictives stimulent l’apprentissage d’un comportement qui conduit à la consommation de ces drogues et ce de manière exclusive.
La conséquence est que l’usage des drogues devient compulsif et continue malgré les conséquences négatives, ce qui est l’une des caractéristiques de l’addiction. Cette théorie trouve ces racines dans l’hypothèse que la dopamine libérée par les neurones d’une zone du cerveau (mésencéphale) représente un puissant signal d’apprentissage. Dans des situations physiologiques, la sécrétion de la dopamine est stimulée par des signaux naturelles de récompenses, comme la nourriture ou le sexe qui sont fondamentaux pour la survie de l’espèce. Il est donc important d’apprendre dans quelles circonstances la récompense est obtenue. Cela implique que notre cerveau doit comprendre rapidement qu’elles sont les signes annonciateurs et les comportements à suivre qui permettront une récompense.
Des expériences faites sur des animaux montrent qu’une récompense inattendue induit une augmentation de la libération de dopamine dans deux zones du cerveau (le noyau accumbens et le cortex préfrontal).
Inversement, une récompense attendue n’augmente pas le niveau de sécrétion de dopamine.
Ainsi, notre cerveau estime et garde en mémoire l’utilité d’un possible comportement en s’appuyant sur la récompense obtenue dans le passé. La récompense présente est donc comparée avec ce que le cerveau imagine recevoir.
Cette différence entre la récompense mémorisée et celle à venir, appelé “prévision de l’erreur de récompense “ (prediction error of reward) facilite l’apprentissage du comportement qui maximisera la récompense. Finalement après de nombreuses répétitions de ce processus, le comportement de l’animal (ou de l’humain) est optimisé afin de pouvoir obtenir la récompense avec certitude. La connaissance est donc mémorisée et le comportement optimal appris.
La prévision de l’erreur de récompense va donc tendre vers zéro et les neurones à dopamine ne sont plus activé quand la récompense est obtenue. Avec les drogues addictives, la mise à zéro de ce signal d’erreur échoue. En fait, c’est ce qui caractérise les drogues addictives qui augmente la sécrétion de dopamine dans le cerveau. Contrairement aux récompenses naturelles, l’augmentation de l’erreur à chaque prise est toujours plus forte. Tout se passe comme si le cerveau ne pouvait jamais prévoir la récompense et que la drogue donne une récompense toujours meilleure que celle attendue.
Par conséquent l’apprentissage ne se termine jamais, ce qui peut conduire à un comportement compulsif même s’il n’y a plus de plaisir : vouloir sans apprécier.
D’un point de vue cellulaire, il apparaît qu’une activation inappropriée de la libération de dopamine en réponse à la consommation d’une drogue cause une altération à long terme de communication entre les neurones du système de la dopamine. La consommation de drogues induit un modelage des connections entre les neurones (plasticité synaptique) qui est lié à ce comportement pathologique que l’on retrouve chez les personnes addictes.
Cette vulnérabilité individuelle n’est pas totalement comprise et peut dépendre de facteurs génétiques et environnementales. De plus, pour une personne donnée le risque de développer une addiction varie pendant le développement, ce qui conduit à une notion de période à risque. Pour une population pédiatrique, l’exposition à des drogues pendant la période de la grossesse ou pendant l’adolescence est associée avec une augmentation du risque d’abus de substance pendant l’âge adulte.
Références
[1] Addiction: The Dark Side of Learning PEDIATRIC RESEARCH Vol. 63, No. 1, 20081, Benedicte Balland et Christian Lüscher